Dans les années 80 et 90, alors que les skateparks étaient rares et souvent inadaptés, les skateurs ont pris les choses en main, construisant leurs propres spots avec les moyens du bord. C’est ainsi qu’est née une culture DIY (Do It Yourself) profondément ancrée dans l’ADN du skate, où la débrouille, la récupération et l’auto-construction sont devenues des réponses naturelles au manque d’espaces. Aujourd’hui, à l’heure où les villes proposent de plus en plus de skateparks, cette philosophie n’a pas disparu, bien au contraire : elle connaît un véritable regain d’intérêt et continue de façonner la scène moderne.
L’un des meilleurs exemples de cette résurgence est l’apparition de nouveaux spots DIY un peu partout dans le monde. Des collectifs de skateurs se regroupent pour construire des « parks » sous des ponts, dans des zones industrielles abandonnées ou en pleine nature, loin des regards et des contraintes imposées par les autorités locales. Ces espaces, souvent construits en béton permettent aux riders de façonner des modules uniques. Cette liberté d’expérimentation crée des environnements de skate plus organiques et stimulants que les skateparks traditionnels, souvent conçus selon des normes rigides qui ne laissent que peu de place à la créativité.
L’un des premiers exemples iconiques de skatepark DIY est Burnside, à Portland, un spot construit illégalement en 1990 sous un pont par un groupe de skateurs. Ce qui n’était au départ qu’un repaire pour la prostitution et la consommation de drogues, s’est finalement transformé en un véritable skatepark en béton, reconnu et légalisé par la ville. Son succès a inspiré des skateurs à travers le monde, donnant naissance à des dizaines d’autres parks construits sur le même modèle. En Europe, de nombreux projets similaires ont émergé, Ramputen à Bilbao ou le snakepark en Belgique qui comprend des modules tous plus unique les uns que les autres comme par exemple un rail sur ressorts ou un autre constitué d’une chaine en métal.
Au-delà de l’aspect pratique, la construction DIY s’inscrit également dans une démarche plus large d’engagement communautaire et de ré-appropriation de l’espace urbain. Plutôt que d’attendre l’intervention des autorités, les skateurs investissent des lieux abandonnés et leur donnent une seconde vie.
Mais le DIY dans le skate ne se limite pas à la construction de parks. Il touche aussi à la culture visuelle et artistique qui gravite autour de la scène. Les spots DIY sont souvent recouverts de graffitis, de fresques et de sérigraphies réalisées par les skateurs eux-mêmes, transformant ces lieux en véritables galeries à ciel ouvert. Le DIY s’exprime aussi à travers la production de vidéos de skate tournées et montées entre potes, la création de magazines et fanzines indépendants, ou encore l’organisation d’événements autogérés mêlant skate, musique et performances artistiques. Certains de ces spots deviennent ainsi de véritables hubs culturels où se croisent différentes disciplines, loin du cadre aseptisé des skateparks plus classiques.
En fin de compte, la montée en puissance des skateparks « officiels » n’a pas enterré l’esprit DIY, bien au contraire. Alors que certaines infrastructures standardisées peinent à plaire à la communauté des skateurs core, les projets DIY rappellent que cette discipline repose avant tout sur l’adaptabilité, la liberté et la créativité. Ces spots, souvent construits illégalement mais portés par une passion collective, restent des lieux uniques où le skate s’exprime dans toute son authenticité. Que ce soit par nécessité ou par choix, les skateurs continuent de s’approprier l’espace urbain et cette idée que l’espace urbain nous dessert en tant que communauté ne pourra jamais être enlevée aux skateurs.