Bordeaux est aujourd’hui considérée comme une des capitales du skate européen après avoir été une des première à aménager le territoire urbain en considérant les skateurs. Mais ce pas en avant est-t-il un réel engagement auprès des skateurs ou un geste esseulé ? 
Bordeaux est une ville qui a su traverser les époques et qui peut se vanter d’avoir une architecture historique qui lui est propre. Ses splendides rues, places et quartiers offrent un terrain de jeu idéal pour le skate comme l’iconique miroir d’eau ou la Place de la Comédie. Et les Bordelais comme les touristes de passage l’ont bien remarqué puisque ce sport « underground » est très populaire dans notre métropole. En même temps quoi de mieux que de se balader sur sa planche dans les magnifiques rues bordelaises ? Une étude menée par le CNDS et l’INSEP a estimé la communauté de skateurs bordelais à plus de 35 000 amateurs dont 10 000 pratiquants au quotidien en se basant sur les adhérents aux associations de skate et les ventes dans les skateshops de la métropole. Ces chiffres sont particulièrement importants et représentent bien l’intérêt grandissant pour le skateboard dans notre ville, qui touche aujourd’hui plusieurs générations et classes sociales. Ces chiffres sont d’ailleurs voués à augmenter avec l’engouement pour les pratiques libres urbaines  et la crise sanitaire actuelle rendant difficile la pratique des sports collectifs et/ou en salle .
La présence de cette importante communauté est en partie due aux nombreux acteurs skate locaux engagés et au grand nombre de lieux intéressants pour skater dans la ville. Bordeaux est doté de 2 Skateparks de plus de 2000 m²:
-Le Skatepark des Chartrons, sur les quais, qui est entretenu par la mairie
-Le Hangar Darwin que nous entretenons et aménageons pour faire de cet ancien hangar militaire un lieu idéal pour les skateurs bordelais. Seul skatepark couvert sur Bordeaux.
Ces 2 lieux sont des places importantes de la culture skate bordelaise. Mais les skateparks ne suffisent pas pour contenir des dizaines de milliers de pratiquants. Bordeaux dispose aussi de nombreux spots street particulièrement intéressants, sachant que la pratique urbaine représente l’essence même du skate.
Mais cette entente n’a pas toujours été. Depuis 2004 le skate est interdit par la mairie sur certaines places très prisées par les skateurs comme la place des Commandos de France, Pey-Berland, Jean Moulin, de la Comédie, la rue Saint-Sernin, le cours du Chapeau-Rouge et le parvis des Droits de l’homme pour éviter de déranger les riverains. La police distribuait des amendes aux jeunes et moins jeunes skateurs et une mauvaise entente s’est créé. Mais ces mesures se sont avérées contre productives et inefficaces et un collectif de skateurs est rentré en contact avec la mairie pour apaiser les tensions existantes. Résultat: le projet Skate(z) Zen a vu le jour permettant aux skateurs de pratiquer sur certaines des places problématiques à des heures précises. Même si ces nouvelles règles restaient restrictives pour la communauté des skateurs il s’agissait d’un premier pas venant de la mairie qui avait été bien accueillit.
Dans la continuité de ces mesures, un schéma directeur pour l’intégration du skate à Bordeaux a été imaginé et voté par la mairie en Décembre 2019. Ce plan permet d’aménager des quartiers et des places de la ville pour le skate. Ces aménagements se concrétisent par l’installation par la mairie de mobilier urbain adapté pour les skateurs (utilisation de matériaux comme le granite et la pose de bancs partagés avec le skate par exemple) dans la rue et pas dans des skateparks. Ainsi ces quartiers gagnent en fréquentation et sont dynamisés et sécurisés par la présence des skateurs et en parallèle les places du centre-ville posant problème jusqu’à aujourd’hui accueillent moins de skateurs réduisant ainsi les problèmes avec les riverains. Ce plan permet de diluer la pratique du skate sur l’ensemble du territoire et d’augmenter le nombre d’endroit appréciés des skateurs. Ce projet est en cours de réalisation et d’autres aménagement sont encore prévus avec un plan d’action jusqu’en 2026.
C’est dans ce contexte que le projet « Play ! » a vu le jour en 2019. Ce projet à mi-chemin entre l’art et le skateboard a été réalisé dans le cadre de la saison culturelle. Il s’agit d’une collaboration entre Léo Valls, un skateur pro bordelais connu à l’international, et Nicolas Malinowski un artiste-designer. Les 2 collaborateurs ont eu l’idée d’installer dans les rues de Bordeaux des structures artistiques pouvant servir de modules et inspirer de nouveaux tricks aux amateurs de glisse urbaine. L’objectif était de démontrer que l’utilisation de la rue et du mobilier urbain par les skateurs peut être assimilée à une pratique créative, artistique, sociale et sportive. Ces modules ont donc été fabriqués par l’association la Brigade qui ont déjà réalisé l’ensemble des modules du skatepark du Hangar Darwin.
Cependant suite à l’élection municipale de Mai 2020, une nouvelle municipalité est en place et les skateurs sont dans l’incertitude quant à l’avenir de leur pratique dans les rues bordelaises. Le parvis des droits de l’Homme, qui était toléré au skate les mercredis et samedis depuis des années, a fait l’objet d’un nouvel arrêté d’interdiction totale, et cela sans même que les skateurs ne soient consultés. En espérant que la culture skate à Bordeaux, en pleine expansion et totalement inscrite dans la vie de la Ville, ne redevienne pas illégale et sauvage, après tous les efforts réalisés de la part des différentes parties prenantes.
Armand Champion, avec la collaboration de Léo Valls